« En découvrant le ciment et en l’étudiant, j’ai été conduite à obéir avec beaucoup d’attention et de docilité aux suggestions de cette matière si nouvelle pour moi. Et j’ai retrouvé, chemin faisant, les thèmes simples qui avaient depuis toujours inspiré mon travail. Complètement absorbée par l’importance du matériau nouveau, je restais à l’écoute de ma recherche la plus profonde »

Claude de Soria

 

Le monde actuel, étouffé dans son environnement oppressif de ciment et de béton, est ressenti comme terne et grisâtre. Ce cadre de vie reste un des symboles de notre civilisation. Artistes et architectes essayent d’humaniser et d’anoblir ces matériaux fonctionnels. Les réussites sont plutôt rares et, en tout cas, timides.

Claude de Soria, avec ses sculptures en ciment, répond différemment à cette fatalité contemporaine, apparemment implacable. Elle établit un autre rapport entre le créateur et le matériau, entre le travail artistique et l’œuvre ; d’où l’humanisation et la réhabilitation esthétique de ce matériau « maudit ». Un conditionnement réciproque devient saisissable. L’action vivifiante des pulsions de l’inconscient réveille un potentiel caché. Des phénomènes physiques et chimiques se réalisent harmonieusement vers une finalité de formes et de messages.

Notre cosmos, dans tous ses compartiments, est fondé sur un déterminisme. Innombrables restent les lois qu’on ignore ; source pour une inépuisable mythologie, hantée par l’ésotérisme et le surnaturel. L’œuvre de Claude de Soria engage une traversée de l’insaisissable pour arriver a des choses palpables, émouvantes : l’incidence entre l’énergie virtuelle de la matière et la personnalité de l’artiste mène inexorablement, vers une transposition visuelle de quelques lois fondamentales.

La structure et la franchise des formes délivrées de tout « ingrédient », laissent le matériau s’exprimer. Un ciment obtenu par une préparation personnelle trouve dans une bassine le creuset où il se définit, en se durcissant. Chaque opération donne naissance à un hémisphère ; assemblés par deux, ils réalisent la forme finie, une sphère. La face visible de la sculpture reste celle qui prend la modulation du récipient. On peut penser que les gestes et la technologie étant les mêmes, il se produit une répétition. Mais chaque sollicitation se renouvelle par des subtils changements. Les structures animées par des bulles d’air et les marges dentelées des calottes, au moment de l’assemblage, laissent un ajour qui amplifie l’effet des jeux de la lumière.

Aussi le chromatisme s’enrichit en valeurs par les gris chauds jusqu’aux fines nuances bleutées.

 

De Soria obtient, avec des coulées sur une plaque de rhodoïd, des formes circulaires qui s’approchent de la perfection du cercle. L’effet surprenant rappelle des structures minérales. La sculpture se continue, comme un écho, par les empreintes imprimées sur le papier.

Avec les tiges-colonnes, la vision de l’artiste change. Par la verticalité, elle trouve un complément aux formes rondes, toujours présentes. Libres dans les possibilités de leurs implantations, les tiges-colonnes s’intègrent à une sculpture non-figée, animée et animatrice d’un environnement.

Des références symboliques se trouvent dans la contenance complexe de l’œuvre. Vision astrale, la sphère porte les significations d’unité intégrale de notre univers retrouvées dans le cercle, symbole fondamental. Tige ou colonne suggèrent le pilier-arbre de la connaissance, contact matériel avec l’esprit. Le ciment, lui-même, s’identifie avec la notion de liant qui renforce l’unité et l’entente entre le créateur et son matériau.

Potentiel en réveil et émotions poétiques se rencontrent dans la genèse de l’œuvre.

 

Jacques Adelin Brutaru